De manière générale, Jean Vallon travaille sans contrainte, sans même, la plupart du temps, sa- voir trop où le mènera son pinceau. Mais une fois par an, la démarche est différente : après chaque séjour aux Baléares, le peintre résume un peu ses impressions dans un collage. Un et un seul. Une œuvre qui essaie de rendre compte des moments qu’a passé le peintre sur cette île schizophrène : la fête certes, mais également tout le reste, une mer omniprésente, une nature qui reste quand même prédominante dès que l’on quitte la ville d’Ibiza.

Jean Vallon puise son matériel dans la presse, la presse locale… ou celle qu’il a lui-même généré en tant que chef d’entreprise. De quoi montrer Ibiza par l’image… mais aussi par les écrits intégrés dans les tableaux, plus ou moins visibles, plus ou moins compréhensibles de tout le monde ou seulement de ceux qui connaissent ce petit univers… et les boîtes les plus réputées du moment. La réalité est là, mais l’esprit de dérision n’est jamais loin : David Guetta est bien un hôte régulier d’Ibiza, il y a bien une boîte de nuit qui s’appelle Amnesia, et les bribes d’écriture sont prises dans des magazines trouvées sur place.

Mais la superposition de l’ensemble finit par donner le tournis. Ibiza dans ces collages apparaît comme un joyeux capharnaüm, où tout le monde a lâché la bride à ses passions. Cela donne un ensemble où chacun peut y voir ce qu’il a envie d’y voir : un univers gai, coloré, où domine la fête. Mais on peut y voir aussi un ensemble sans dessous dessus où la volonté de faire la fête n’est jamais que la manifestation la plus primaire de l’instinct grégaire de l’homme : moi, dans la foule, tout de suite et sans réfléchir… de peur de me retrouver retrouver seul, avec mes pensées. Dans le collage de 2008 Retour d’Ibiza, les mots du milieu sont clairs : ME NOW.

Finalement, le seul qui est en mesure de dire « I’m happy » est celui qui est allé au fond de l’océan chercher un peu de tranquillité…le scaphandrier sorti d’un album de Tintin…

Les toiles d’Ibiza sont un ensemble à part dans l’œuvre de Jean Vallon, mais s’intègrent parfaite- ment dans le corpus général : les grandes interrogations qui peuvent être à la base de certaines toiles sont ici plus lointaines, l’ambiance est différente, c’est l’été, la fête et l’after… Mais elles s’intègrent néanmoins dans l’ensemble, car la façon de procéder est similaire aux grandes œuvres plus ésotériques : un ensemble constitué de détails, une vie qui grouille dans tous les recoins du tableau, une harmonie qui se construit petit à petit.